Mc Cain : La victoire passera par l’Irak
Alors qu'Obama et Clinton se bouffent mutuellement leurs chances de victoire finale dans une lutte fratricide, Mc Cain vient d’achever un long voyage qui l’a mené en Irak, en Jordanie, en Israël, en France et en Grande-Bretagne. Une bonne occasion de revenir sur la guerre d’Irak selon Mc Cain ; et de dire en quoi il a raison et en quoi il sera dangereux…
Tous les fameux chroniqueurs/devins chargés de suivre les présidentielles américaines vous le diront : la campagne à venir se jouera soit sur la politique étrangère, soit sur l’économie (ou successivement les deux).
Alors que le spectre de la récession - contenu non sans mal par la FED qui baisse les taux d’intérêts pour mettre le marché sous perfusion de liquidités et l’empêcher de chuter (en organisant du même coup l’inflation) - guette les marchés américains, Mc Cain s’est organisé un voyage surprise en Irak (le 8ème du genre) afin de remettre la dernière guerre (en date ?) des Etats-Unis sur le haut de la pile des médias. Le désormais célèbre clin d’œil de Mc Cain est, ici, on ne peut plus suggestif : « je ferais ma campagne sur l’Irak » ne cesse-t-il de marteler avec une régularité de métronome; tentant de nous faire oublier ce qu’il avait lui-même avoué il y a quelques mois : ne rien comprendre à l’économie.
Le timing est le bon : les Kurdes commémorent les massacres d’Ali le chimique, et attendent son exécution imminente, alors que les Américains s’apprêtent à entamer leur cinquième année d’occupation en Irak (allez ! plus que 95 années - si on en croit Mc Cain qui se dit prêt à rester 100 ans s’il le faut).
Le calcul de Mc Cain est simple : sa seule lisibilité, ses compétences, son pedigree de vétéran [1], sa stature se résument à sa posture (convaincante d’après des sondages d’opinion et relayée complaisamment par les médias [2]) de "Commander In Chief". Qu’il compte mettre au service de ses idées, à rebours de l’opinion américaine [3] : un réengagement massif en Irak, une attitude offensive (sinon guerrière) en Iran[4], une attitude messianique au Proche-Orient, un isolement du Hamas…
Une stratégie pareille peut-elle fonctionner ? Une question qui mérite d’être posée, compte tenu du chantier laissé par George W. Bush, et qui ramène à une question corollaire : qui pour reprendre en main un champ de bataille à l’échelle d’un continent où stationne la quasi-totalité de l’armée américaine ?
Car quoi qu’on en dise, la position de Mc Cain sur l’Irak est plus tenable (et solide) que celle de ses concurrents : les américains ne peuvent en effet pas reculer maintenant en laissant un pays dans la guerre civile, en proie aux massacres, à la sécularisation d’Al Qu’Aïda, à l’islamisation politique et à la prise d’influence de l’Iran.
Alors que ses adversaires démocrates comptent (sur quelle calculette magique ?) les mois qui leur restent avant de ramener les troupes à la maison, lui tient compte de la réalité du terrain. Un bon point, évidemment.
Or au-delà du bon diagnostic, il y a son constat de la guerre (soufflé par des néoconservateurs qui envisagent de se refaire une santé avec Mc Cain aux commandes) : un constat clairement faussé, dangereux, voire de très mauvaise augure, qui professe la victoire possible, répond par la méthode Coué à chaque millier de mort américain, s’imagine utiliser l’Irak comme rampe de lancement en cas de bombardement contre l’Iran, rêve de garantir la sécurité d’Israël en gâchant celle de ses voisins, etc.
Face à un prétendant républicain réaliste et dangereux, capable de mettre sa vision du Proche-Orient sur le compte de sa franchise et de sa posture pour en faire ses meilleurs atouts - puisque celle-ci est solide, claire, connue et éprouvée (ne serait-ce que par le fait que c’est le travail de Bush qui sera continué); l’adversaire potentiel d’en face doit réinventer une autre voie, convaincre d’une hypothétique réussite possible en passant par d’autres voies.
Car il ne suffit pas de ne plus vouloir la guerre pour l’arrêter, une fois celle-ci lancée… Il faut savoir la finir.
P.S : à noter- la gaffe de Mc Cain qui a dit avant d’être corrigé par son conseiller qu’Al Qaïda était entraîné par l’Iran, confondant les milices chiites et les terroristes sunnites anti-américains.